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Le naturel a un prix

C’est en publiant des photos de Sonara dans sa combinaison d’hiver, aujourd’hui, que j’ai eu l’idée d’écrire cet article. En le publiant, j’ai senti le besoin de justifier le fait que je l’habillais de la tête aux pieds pour sortir dans cette première tempête de la saison. Pourquoi? Pour éviter de me faire crucifier sur la place publique, car nous sommes dans une recherche du naturel quasi excessive, chez les animaux. Tout ce qui n’est pas naturel est mal vu et vivement critiqué. Parfois, je suis vraiment d’accord, d’autre fois, j’appelle au cas par cas et à la modération. J’ai déjà été de ce genre… c’est tout noir ou tout blanc, il n’y a qu’une réponse possible. Mais j’ai appris, avec le temps, que pour bien des situations (pas toutes) la réponse se trouve dans les tons de gris. J’ai donc ressenti le besoin d’en parler, parce que je pense qu’il serait temps de mettre fin au dogme, et d’apprendre à prendre des décisions réfléchies selon l’individu pour lequel on les prend. Car tous les êtres vivants sont des individus à part entière et chaque être, même de la même espèce, est bien différent de l’autre et ne réagit pas forcément de la même façon à une situation donnée. Bien entendu, la base de leur organisme fonctionne bel et bien de la même façon, mais chaque individu ne réagit pas de la même façon à une médication par exemple.

On a longuement accepté un mode de vie très artificiel chez les chevaux, et récemment, on s’est rendu compte que beaucoup de ce que nous pensions acceptable était en fait néfaste pour nos chevaux; * Le box 24/7 nuit au développement physique du cheval, affaiblit son squelette, nuit à sa santé mentale, etc. * La couverture nuit à l’isolation naturelle de l’animal, car elle empêche son poil de se relever et de faire son travail isolant *Les grains acidifie l’estomac et cause souvent des ulcères gastriques et peut aller jusqu’à augmenter les chances de développer des stéréotypies * L’isolation sociale et le manque de stimulation mental causent du stress et sont très néfastes pour le cheval. Encore une fois, cela augmente les risques de stéréotypies (mais ces dernières ont également des racines génétiques)

Bref, nous avons découvert beaucoup de données qui nous permettent d’améliorer la qualité de vie de nos chevaux. Je suis profondément pour rendre la vie de nos animaux le plus naturel et le plus près de leur besoin physiologique possible. Mais pas de là à en faire souffrir l’animal. Je m’explique:- La nature est impitoyable : les animaux qui y vivent font face à beaucoup plus de stress qu’on peut le croire; du stress physique (condition météo difficile, manque de nourriture, etc.) ou psychologique (peur, état d’alerte quasi constant (proie), compétition sociale, etc.). La vie dans la nature, ce n’est pas facile, alors calquer 100% de la nature n’est pas forcément la meilleure option.- Les chevaux sont dénaturés : nous avons joué avec leur génétique, fait des sélections et de la reproduction selon nos besoins. Ce qui fait que nous avons retiré certaines caractéristiques rustiques nécessaires à leur survie et leur bon fonctionnement en nature. Dans les zones froides et difficiles comme le Nord canadien, l’écosse et l’Islande, les chevaux ont évolué pour être petit et trapus afin de nécessiter moins de ressources alimentaires et mieux survivre a l’accès restreint à la nourriture en hiver. Alors un Hanovrien ne pourrait probablement pas survivre dans cette nature-là…- On a exporté les chevaux dans un milieu différent : les chevaux voyagent… Un petit cheval arabe, qui a évolué pour vivre dans la chaleur et le désert, n’est pas aussi bien équipé pour le froid Abitibien qu’un Cheval Canadien par exemple. Il faut penser que si l’on se fit à l’évolution… un Arabe n’est pas fait pour vivre ici… et pourtant il y est.- Chaque individu est différent : un jeune animal, un animal malade ou encore un animal âgé n’aura pas la même tolérance au froid ou à la chaleur qu’un animal plus jeune et en pleine santé! Mais même à cela, certains individus, comme chez les humains, ont une tolérance plus ou moins grande à certains facteurs. Chaque individu est différent.

Bien entendu, on entend souvent, laisse-le faire et il va s’habituer. Parfois, c’est vrai et parfois non. Encore une fois, c’est du cas par cas. Il faut être attentif aux besoins de chaque cheval. Certains n’ont tout simplement pas les ressources nécessaires pour s’adapter convenablement à un tel climat. Il faut aussi bien le faire; laisser un animal qui a toujours été au box dehors sans protection du jour au lendemain va lui causer une énorme quantité de stress physique et psychologique et on ne veut pas ça. Bien sûr, il va s’adapter, mais à quel prix? Nous avons la chance de pouvoir offrir plus que ce que peut la nature parfois. Sommes-nous supérieurs à la nature? Absolument pas, mais est-ce que la nature est parfois dure et imparfaite => oui! Si nous pouvons créer une adaptation plus progressive et moins stressante, alors pourquoi pas? Nous pouvons nous le permettre!

Ma jument est un de ces cas de gris : c’est une Canadienne, relativement bien en santé, jeune, fringante, bien en chair et qui a toujours vécu dehors, avec l’utilisation du box les nuits de mauvais temps et en hiver. Elle est donc parfaitement adaptée à nos hivers de par génétiquement et de par son mode de vie habituel… mais pourtant… Sonara a développé de l’insulino résistance et un syndrome métabolique équin, mais on est sans Cushing pour le moment (fiouf). Depuis un moment, je jongle avec des problèmes de fourbures qui ne répondent pas aux traitements habituels; l’hiver 2018, elle a reçu assez de butazone pour lui en bruler l’estomac (littéralement… merci oméoprazole) et l’on était au mois de février, en plein froid, alors pour la glace, c’était un traitement naturel de dame nature toute la journée… et pourtant, elle était dans une telle douleur qu’elle passait toute sa journée couchée. En plus de passer a un cheveu de faire une colique de stase tellement elle ne mangeait pas. Ceux qui connaissent le Canadien savent qu’ils ne manqueraient un repas pour rien au monde… On a fini par se rendre compte qu’elle avait tellement mal qu’elle ne mangeait presque plus et s’isolait des autres pour être certaine de ne pas se faire pousser. On a dû la séparer, la nourrir couchée, l’habiller, car sans beaucoup manger ni bouger, elle ne pouvait se réchauffer convenablement. Botte spécial fourbu et bande de repos, car elle est très campée et j’avais peur qu’elle finisse par faire un claquage. 6 mois plus tard, elle va mieux, aucune séquelle osseuse au niveau des pieds et ses phalanges reviennent a un angle normal.

Hiver 2019, encore une fourbure, fin janvier cette fois… La panique s’installe, si elle fourbe ainsi tous les ans et qu’elle est en douleur extrême 6 mois par an, quelle qualité de vie a-t-elle… Je commence à m’interroger sur son avenir, mais je nous donne un autre hiver pour voir comment cette attaque progressera. Entre-temps, j’avais lu un article du Dre. Kellon, sur les fourbures d’hiver… L’idée a fait son chemin et j’ai commencé à me demander si cela en était la cause. Ses fourbures sont toujours en hiver et ne répondent pas au protocole de traitement habituel (fait pour les fourbures inflammatoires)… J’en parle avec mon vétérinaire, il trouve la piste extrêmement logique aussi… On met en place le protocole de fourbure d’hiver du Dre. Kellon => bottes + bas de laine, bande de repos TOUS LES JOURS sans exception tant qu’il fait froid, couverture d’hiver (son corps est déjà en choc, alors on essaie de ne pas le stresser encore plus en lui demandant de gérer le froid extrême). Elle est 100 fois mieux que l’année précédente! Je commande également le jiaogulan (herbe chinoise) ainsi que l’arginine recommandée par le Dre. Kellon, j’étais franchement prête a essayer tout et n’importe quoi à ce stade, pour éviter le pire. Effet positif instantané! Les sabots de Sonara recommencent a être tiède (avant ils étaient froids!), elle est plus confortable, se déplace mieux et a plus d’énergie! J’essaie aussi le supplément de magnésium (protocole de : https://www.gravelproofhoof.org/magnesium), comme je dis, rien à perdre et une fois encore, une belle amélioration de l’état de ses pieds et avec le temps, ses plaques de gras ont diminué doucement sur son dos. Cette fois, elle a pu rester avec les autres au pré, ne se couchait pas plus que d’habitude dehors (peut-être un peu plus dans son box la nuit, sans plus), elle est restée avec une bonne attitude et ne semblait pas déprimée et en douleur extrême comme l’an dernier.

Qu’est-ce que ça implique? Magnésium et jiaogulan tous les jours à vie et arginine dans les mois froids d’hiver… Pour toujours! En plus de cela, tous les hivers, elle devra être couverte de la tête aux pieds afin d’éviter que la fourbure ne se développe. En gros, ses problèmes métaboliques ont possiblement affecté sa circulation sanguine et sa capacité à gérer les stress externes. Donc, elle doit recevoir de l’aide. Pourtant elle ne semble pas malade, elle ne grelotte pas dans le froid, elle est en forme, active, encore jeune, et pourtant… si je m’étais bornée à ce qu’elle “vive comme un vrai cheval” on aurait pas trouver son problème.

Voici un autre cas; le cheval arabe de mon ami est frileux, elle pourrait peut-être le laisser « endurer » pour le rendre plus tolérant… mais en même temps, c’est un arabe. Clairement pas une race qui a évolué pour résister au froid, il adore être en box et en plus en vieillissant, il a développé des problèmes sévères d’arthrose et il est heureux de se coucher dans un box douillet durant la nuit. Il sort dehors tous les jours, et ce, le plus longtemps possible, mais lorsque la pluie est froide ou lorsqu’il fait particulièrement froid, il a besoin d’une couverture, sinon il grelotte. Grelotter est un mécanisme naturel certes, mais c’est preuve que le corps est soumis à un gros stress thermique. Si ce n’est pas nécessaire, pourquoi laisser un cheval endurer cela? Pensez simplement à comment vous vous sentez lorsque vous avez froid au point de grelotter? Non, vous n’allez pas en mourir, mais c’est extrêmement fatigant et inconfortable.

Bref, je pense qu’effectivement, on doit adapter notre mode de vie pour mieux s’adapter aux besoins qui sont spécifiques à l’espèce équine (besoin de mouvement, socialisation, sécurité, abris des intempéries, manger une grande partie de la journée, etc.) parce que ce sont leurs besoins innés qui comptent avant notre besoin de faire le moins d’efforts possible. Nous devons absolument leur permettre d’exprimer le plus de comportements naturels possible. Mais copier la nature à 100% n’est pas forcément leur rendre service. Lorsqu’il fait -40c et qu’il neige à ne plus voir 100m devant soit, la plupart des chevaux sont plus qu’heureux d’avoir un endroit avec 4 murs, de la nourriture et un lit douillet et chaud pour se coucher. Je préfère, de loin, la stabulation libre au box, car elle permet aux animaux de décider eux-mêmes de quand ils entrent et sortent, mais un box n’est pas la fin du monde pour la nuit, et une couverture est meilleure que rien du tout si l’animal doit absolument rester dehors par ce temps avec un simple abri 3 faces. Comprenez-moi bien, je ne dis pas que les chevaux vivant dehors sans couverture ne sont pas bien, certains sont parfaitement adaptés à cela! Mais pas tous et il est important de s’en rendre compte. Le cas par cas les amis, le cas par cas!! Il faut parfois faire des compromis.

J’aimerais finir en disant que tout le monde fait de son mieux avec leurs chevaux ( OK… presque tout le monde) et qu’il serait important de prendre part a une conversation civilisée sur les motifs d’usage de chose « moins naturel » avant d’insulter les gens et de les traiter de tout et n’importe quoi. La vie n’est pas que toute blanche ou toute noire et bien que beaucoup aient des convictions très bornées sur la façon de traiter les chevaux, aucune raison n’est valable pour insulter les gens et être irrespectueux (appart s’il néglige vraiment leur animal, là OK… c’est autre chose… négligence grave, pas ce que vous jugez comme bien ou mal. Et encore, ça ne fera pas avancer la cause, mais je sais que parfois il est difficile de rester impassible). Le fait que quelqu’un mette ou ne mette pas une couverture à son cheval en temps de froid ne veut pas dire que son animal n’est pas bien… Certains tolèrent très bien le froid et d’autres non, alors avant de juger une personne, parlez avec elle de ses motifs, de façon civilisée. Après, en connaissance des motifs, vous pourrez juger de la situation. Mais s’il vous plait, cessez de sauter aux conclusions et de penser qu’il n’y a qu’une façon de faire qui est bien, car ce n’est pas le cas! Et cette étroitesse d’esprit est aussi nocive que celle du « camp adverse » .

Liens utiles pour ceux qui aimeraient en apprendre plus sur les sujets dont j’ai parlé à propos de la fourbure de Sonara

https://www.gravelproofhoof.org/magnesium

Le site du Dre. Kellon, la page Facebook ainsi que le groupe de soutien d’urgence (lors de crise de fourbure)

https://www.ecirhorse.org/

https://ecir.groups.io/g/main/topics

https://www.facebook.com/ECIRGroup/

Pour tous ceux qui aimeraient avoir du soutien ou de l’aide en français, venez me parler, il me fera plaisir de vous aider de mon mieux.

Le travail d’imprégnation “Imprinting training” – bon ou mauvais ?

Sonara et Mimi

Introduction

Quand il s’agit de poulain, plusieurs techniques sont utilisées, aimées ou détestées… L’éventail des méthodes utilisées est grand et la créativité bat son plein. Cette créativité peut parfois être utilisée pour le meilleur, mais aussi pour le pire. Il y a une grande préoccupation parmi les scientifiques et les comportementalistes équins à propos de la nécessité et de l’aspect éthique de nouvelles méthodes appelé « imprinting training », qu’on pourrait traduite par entrainement imprégnatoire ou travail d’imprégnation. Ce type d’entrainement gagne en popularité parmi les gens de chevaux et est rencontré de plus en plus souvent. La technique la plus populaire est celle de « Miller imprinting method », on retrouve plusieurs références à propos de cette méthode dans les revues scientifiques et c’est également celle qui est le plus souvent utilisée dans les écuries. Certains éleveurs pratiquent l’imprégnation, parfois sans vraiment le savoir, simplement en étant autour du poulain à sa naissance (en assistant la mère ou en vérifiant son état de santé par exemple). Ces deux facettes de l’imprégnation seront révisées dans ce papier. Il y a une tonne de croyances différentes quant a la véracité de faire de l’imprégnation ou pas, alors les scientifiques et les comportementalistes ont commencé à faire des recherches afin de savoir si ces techniques créaient vraiment de « meilleurs chevaux adultes » et surtout si cela améliore vraiment le bien-être du poulain comme promis par ces entraineurs.

Qu’est-ce que l’imprégnation ?

L’imprégnation est une période critique dans la vie de plusieurs animaux naissants, les poulains en font partie. Cette période se produit juste après la naissance, chez le poulain, on croit qu’elle se produirait pendant ses 48 premières heures de vie (McGreevy, 2012). Pendant cette période, le poulain est programmé, de façon innée, pour suivre le mouvement autour de lui (Miller, 2001).  C’est un instinct de survie, qui fait en sorte que le poulain va s’attacher à sa mère dès la naissance. Ce phénomène se produit naturellement, sans aucune intervention externe (William and al., 2002) et il est irréversible. C’est peut-être pour cette raison que les juments s’isolent légèrement de la harde lorsqu’elle pouline à l’état sauvage ; pour éviter toute interférence entre elle et son poulain lors de leur première rencontre. Cette étape est critique pour la survie du poulain puisqu’il a besoin de sa mère pour le protéger et le nourrir, mais également parce qu’il a besoin d’elle pour apprendre à vivre comme un cheval. Le poulain apprendra tout ce qu’il doit savoir auprès de sa mère ; quelles plantes sont toxiques, comment communiquer avec les autres chevaux, comment se toiletter mutuellement, etc. (Price, 1999). Si un poulain ne s’imprègne pas de sa mère, cela pourrait lui poser problème en grandissant, encore plus s’il serait un poulain sauvage, puisqu’il risquerait de ne simplement jamais avoir le temps de vieillir.

Les techniques de travail imprégnatoire

Avec la découverte de cette période critique chez le poulain nouveau-né, les entraineurs ont découvert que cela pourrait permettre de modeler le comportement du poulain très tôt dans son développement (Miller, 2001). Sachant cela, certaines personnes ont commencés a entrainer leur poulain dans cette période, utilisant plusieurs techniques pour réussir a avoir le comportement qu’il désirait. Ce type d’entrainement est acclamé pour produire de meilleurs chevaux qui seront moins réactifs aux divers stimuli de la vie et qui seront plus facile à dresser plus tard (William and al. 2002).

Le travail d’imprégnation n’est pas une « nouveauté » (Comme à peu près tout le travail dit « éthologique »), mais le Dr. Robert Miller à remis ces techniques en avant plan et les a popularisé à nouveau. C’est son approche qui est probablement la plus connu, aimé ou critiqué de nos jours. Dans sa méthode, l’entrainement commence dès que le poulain est sortie de sa mère, en le frottant partout ; dans la bouche, les oreilles, tout le corps, etc. Cela est fait en utilisant des stimuli qu’il rencontrera plus tard dans sa vie ; tondeuse, sac de plastique, taper sur ses sabots (maréchal ferrant), tapis de selle, etc. Dans sa technique, c’est même l’entraineur qui décide quand le poulain aura le droit de se lever (Miller website, 2013). Selon la procédure, une personne doit tenir et rassurer la mère, pendant qu’une seconde retient le poulain et qu’une troisième fait les manipulations sur lui. Cet entrainement doit être fait tout juste après la naissance puis répété à 12, 24 et 48 heures de vie pour être efficace selon le Dr. Miller. Il affirme que cela rendra le poulain plus soumis, plus sensible à la pression, plus désensibilisé aux stimuli externe et que cela va améliorer le lien entre l’entraineur et le poulain (Miler website, 2013)

Certains entraineurs sont plus discrets pendant cette période, en étant simplement près du poulain, voulant simplement familiariser le poulain à l’humain. L’accoutumance est un procédé selon lequel une exposition graduelle à un stimulus réduit la réaction du cheval à ce dernier (McGreevy, 2012). Plusieurs éleveurs le font tous les jours sans même le savoir, en venant manipuler le poulains pour s’assurer qu’il est en santé et en observant ses premières heures de vie pour s’assurer que tout va bien et que le déroulement normal des choses se produit. Lorsqu’un éleveur veut vraiment « imprégner » un poulain, il commence par manipuler la mère près du poulain. Si la mère est calme, le poulain apprend à être détendu à l’approche des humains (McGreevy, 2012). Dans ce type de méthode, le poulain apprend en observant l’humain interagir avec sa mère et, par curiosité, viendra découvrir ce que la personne est en train de faire. Cette dernière pourra alors présenter des objets au poulain, qui sera libre de se retirer s’il en a peur et sans toutefois être éloigné de sa mère.

Quels sont les bénéfices et les points négatifs de l’imprégnation

Parlons des bénéfices ; être présent tôt dans la vie d’un poulain rendra la présence humaine plus normale et moins stressante pour lui. Si l’humain est présent dans la période d’imprégnation, il deviendra un élément normal dans la vie du poulain, parce qu’il aura toujours fait partie de son environnement. Il comprend donc que ce n’est pas une menace pour lui. Si le poulain découvre l’humain plus tard dans sa vie, il deviendra une nouveauté qui aura besoin d’une désensibilisation progressive. Donc si l’humain est présent au moment de la naissance, il devient une partie de l’environnement normal du poulain ce qui facilitera la relation humain-poulain.

Moment de bounding poulain-maman; notez la jument qui renifle son poulain et qui le touche

Du côté plus négatif, une imprégnation invasive peut interférer avec la relation encore fragile entre la mère et son poulain, ce qui peut être dangereux pour ce jeune équidé et peut même mener à des problèmes de comportement (McGreevy, 2012). La jument joue un rôle extrêmement important dans la socialisation et l’apprentissage du poulain nouveau-né. C’est elle qui lui apprendra les manières ainsi que les bonnes réponses aux signaux et aux menaces des autres chevaux. Ceci veut également dire que si le lien mère-poulain est compromis, le poulain pourrait être plus agressif  envers les autres chevaux (puisqu’il ne comprendra pas leurs signaux) ou alors il pourrait être trop « amie » avec son meneur et devenir trop amicale avec lui, jouant avec lui comme avec un autre cheval, ce qui pourrait devenir très dangereux (McGreevy, 2012). Cela pouvant aller jusqu’à de l’agression envers les humains, puisqu’il n’aura pas appris les limites du « jeu ». Comme discuté dans les sections de l’imprégnation, un poulain n’ayant pas été imprégné avec sa mère pourrait manquer de certains apprentissages vitaux tels que ; la sélection des plantes (celles a évités par exemple) en autre.

Des techniques telles que « L’inondation » (Flooding en anglais) sont également utilisées avec certaines méthodes d’imprégnation. Cette approche consiste à surexposer le poulain à un objet potentiellement effrayant ou a un stimulus désagréable jusqu’à ce que sa réaction disparaisse (McGreevy, 2002). Il est littéralement envahi par le stimulus sans pouvoir y échapper, la stimulation va cesser seulement lorsque le poulain arrêtera d’y réagir. L’inondation est une forme de désensibilisation, mais plutôt que d’être progressive, elle « inonde » le poulain avec le stimulus. Il est simplement présenté sans préambule et à sa « force » maximale. Par exemple, plutôt que de présenter une bâche au poulain, de le laisser la renifler et écouter le son qu’elle fait, le poulain sera simplement recouvert avec la bâche jusqu’à ce qu’il arrête d’y réagir, ensuite elle pourra être retiré, mais pas avant, peu importe a quel point il se débattra.

Les poulains ayant été exposés à cette méthode peuvent développer ce qu’on appelle de l’impuissance acquise (learned helplessness) très tôt dans leur développement. L’impuissance acquise se produit lorsque le poulain comprend que rien de ce qu’il peut faire ne pourra l’aider à éviter le stimulus désagréable, qu’il n’a aucun contrôle sur son environnement et qu’il ne lui reste qu’à ne plus rien essayer et à ne plus réagir à rien (Hall an al. 2007).  Rien ne peu plus l’aider, il va simplement se figer plutôt que d’essayer de s’échapper. Le poulain aura l’air calme et le stimulus sera donc retiré. Avec l’impuissance acquise, le poulain ne comprend pas qu’il n’y a aucun danger, il comprend simplement que rien ne pourra l’aider à éviter le stimulus, sauf de rester là sans bouger et attendre qu’il soit retiré (même si intérieurement, il sera très stressé et anxieux).

Une étude a démontré que l’effet de l’entrainement avant le sevrage n’est pas permanent, il est sujet à disparaitre. Ce qui veut dire que si le comportement n’est plus renforcé et travaillé, il peut cesser. Cette étude a démontré que l’entrainement d’un poulain avant le sevrage ne donne pas de meilleur résultat face à un poulain non manipulé (Willian and al. 2002). Cette étude prend en compte le rythme cardiaque (indicateur de stress) lors des tests ainsi que le temps qu’il faut au poulain pour accomplir la tâche qui lui est demandée. Si un poulain manipulé avant le sevrage était plus calme ou apprenait plus facilement qu’un poulain non manipulé, son rythme cardiaque ou son temps de complétion serait inférieur. Les résultats n’avaient présenté aucune différence significative entre les deux groupes.

Discussion

Les cavaliers et entraineurs devraient être très prudent lorsqu’il quand il est question de travail d’imprégnation ; il ne faut pas interférer avec le lien jument-poulain. Les techniques qui consiste à être le premier à toucher au poulain peuvent compromettre gravement ce lien encore très fragile entre la mère et son poulain nouveau-né. Les manipulations effectuées avec ces techniques doivent être répétés plusieurs fois pendant la période critique d’imprégnation. Cela peut sembler banale, mais le lien entre la mère et son poulain est « solide » de quelques heures seulement, il est encore très fragile à ce stade. Si le lien est compromis et que l’attachement du poulain à sa mère n’est pas assez solide, les conséquences qui en résulteraient pourraient être désastreuses, non seulement pour la survie du poulain mais aussi pour son comportement futur (McGreevy, 2012), puisque c’est la jument qui donnera les meilleurs enseignements à son poulain.

Une autre préoccupation pourrait être la façon dont le travail d’imprégnation sera fait. La technique Miller, par exemple, a des horaires d’entrainement et une structure très précise qui doivent être suivi à la lettre, sans quoi le succès de l’entrainement pourrait être grandement compromis. Si les étapes sont effectuées trop rapidement, elles peuvent stresser le poulain au point où rien ne sera appris, puisque le stress réduit les capacités d’apprentissages (Nicol C.J, 2012). Le manipulateur pourraient également sauter des étapes ou encore les effectués de la mauvaise manière. Il y a également un risque de mauvais timing lors du retrait des stimuli ce qui pourrait récompenser le poulain pour le mauvais comportement, ce qui serait plutôt contreproductif. Donc si les lignes directrices de la méthode ne sont pas respecté à a lettre, il y a de grandes chances pour qu’au final, ça ne fonctionne pas, ou pire, que ça cause plus de tort que de bien.

Une étude a démontré que les jeunes chevaux de 2 ans qui n’ont pas été manipulé ou qui ont été manipulé plus tard dans leur vie sont moins performant dans leurs apprentissages que les poulains ayant été manipulé plus tôt dans leur développement et depuis plus longtemps (entrainé entre 6 mois à 2 ans) (Heird et al, 1986). Ceci dit, « tôt » s’est produit à partir de 6 mois lors de l’étude, ce qui coïncide avec le sevrage chez la plupart des poulains. D’autres études mentionné précédemment ont trouvé qu’il n’y avait pas de différence réel entre les poulains manipulés avant le sevrage et ceux manipulés après lors des tests d’apprentissage. Il n’y a donc aucune hâte et même pas de réel bénéfice à commencé l’entrainement d’un poulain très jeune (avant le sevrage). Les entraineurs qui font le travail d’imprégnation disent que ce travail rend les chevaux plus calmes et en font de meilleurs élèves, mais ces études ont démontrés le contraire.

La période d’imprégnation est vraiment courte chez le cheval et il y a une différence entre entrainer un jeune poulain et le travail d’imprégnation. Pour être appelé « imprégnation », cela doit se produire dans les deux premiers jours de vie d’un poulain. Une hypothèse est qu’un poulain qui est entrainé en imprégnation continue d’être entrainé par la suite jusqu’au moment du débourrage. Cela peut signifier que ce n’est pas le travail fait pendant la période d’imprégnation qui rend le cheval plus calme, mais le fait qu’il continue d’être entrainé de façon régulière et présenté à de nouveaux stimulus par la suite. Ce serait donc ce travail constant qui ferait que le travail effectué est retenue. Les études présentées plus hauts tendent à appuyer cette hypothèse. Il n’y aurait donc pas de réel avantage à travailler un poulain en « imprégnation », mais il y aurait plus d’avantage à travailler le poulain de façon progressive et constante lors de son développement, sans toutefois avoir besoin de commencer ce travail alors qu’il est encore un nouveau-né.

Conclusion

Être présent dans les premières minutes de vie d’un poulain est une bonne chose, parce que l’éleveur  doit s’assurer de la bonne santé du poulain, surveiller qu’il commence à se nourrir correctement, que la mère ne le rejette pas, qu’il évacue bien le méconium et ainsi de suite. Il doit aussi s’assurer que la jument se porte bien qu’elle expulse bien le placenta et qu’elle n’a aucune complication post-partum. Mais l’imprégnation devrait être laissée à la mère et nous ne devrions pas interférer dans ce processus, puisque plusieurs études ont démontré que ce n’était pas nécessaire pour avoir un meilleur poulain et qu’il est trop facile de le faire de la mauvaise façon.  Ces mêmes études ont démontré que les poulains ayant commencé leur entrainement après le sevrage ne sont pas moins performants dans leur apprentissage que les poulains ayant été imprégnés. Laissons la jument se lier à son poulain et lui apprendre tout ce qu’il a besoin de savoir pour vivre. Bien entendu, les gens doivent être présents dans l’environnement du poulain, ils doivent simplement s’assurer de ne pas interférer entre eux et d’éviter de les stresser pendant ces heures critiques. En prenant soin de la jument, le poulain sera naturellement curieux de venir voir ce qui se passe, l’éleveur pourra alors lui présenter ces outils et commencer à le désensibiliser doucement sans interférer dans la relation entre lui et sa mère, et ce, sans le retenir ou le forcer. En gardant le poulain auprès de sa mère, il y a moins de chance de faire obstacle à leur relation. De plus, sa présence peut aider à calmer le poulain. D’ailleurs, si la jument est proche de l’humain, le poulain apprendra aussi que l’humain n’est pas une menace et qu’il peut même être agréable d’être auprès de lui. Donc être présent auprès du poulain sans toutefois prendre la place de la mère en le faisant s’imprégner de nous plutôt que d’elle est une solution plus efficace et moins inquisitrice qui se veut tout aussi efficace, voire plus efficace.

Reference

McGreevy, Paul, Equine behavior a guide for veterinarians and equine scientists, second edition, saunders Elsevier, 2012

 Miller, Robert, Fallacious studies of foal imprinting training, journal of equine veterinary science, volume 21, number 3, 2001

William, J.L, Friend, T.H, Toscano, M.J, Collins, M.N, Sisto-Burt, A, Nevill, C.H , the effects of early training sessions on the reactions of foals at 1,2, and 3 months of age, department of animal science, texas A & M university, 2002

Herd, J.C, Whitaker, D.D, Bell, R.W, Ramsey, C.B, Lockey, C.E, The effect of handling at different ages on the subsequent learning ability of 2-year-old horse, application animal behavior science 15, 1986.

Miller, Robert, improper imprinting,http://www.robertmmiller.com/imim.html, 2013

Price, Edward O., behavioral development in animals undergoing domestications,  applied animal behavioral science, department of animal science, university of California, 1999, Elsevier science B.V.

Nicol C.J, equine learning: progress and suggestions for future research, department of clinical veterinary science, university of Bristol, Langford, UK. Elsevier science, 2002, P 204.

La récompense, cette mal-aimé

Lorsque j’indique que j’utilise la récompense et le clicker, la plupart des gens me regardent drôlement… soit ils ne savent pas ce que c’est, mais ne sont pas assez intéressés pour se renseigner, soit ils ne sont pas vraiment en accord avec l’usage de la récompense. La récompense est franchement mal aimée parmi le monde des chevaux, mais même avec les chiens et les chats, on a plutôt tendance à utiliser la punition positive (P+) que le renforcement positif (R+). Chez les chevaux, la méthode classique est un mélange de renforcement négatif (R-) et de P+. La récompense (R+) est pourtant un outil incroyable qui rend le travail plus rapide, plus amusant et plus participatif pour tout le monde. Mais pourtant la plupart des gens la rejettent pour diverses raisons. Il y a de nombreux mythes et préjugés face à l’usage de la friandise et nous allons en discuter ici avec mon avis sur le sujet.

Les chevaux se mettent à faire les poches Vrai, si la friandise n’a pas été ajoutée correctement dans le travail => faux, si le protocole de mise en place a été bien suivi. En effet, on ne peut pas simplement commencer le clicker et l’ajout de R+ n’importe comment. Comme toute technique de travail, il y a des règles de base importante à suivre et instaurer avec notre compagnon à 4 pattes.

Premièrement, il faut donner une valeur au clicker, à la base, cette chose ne veut absolument rien dire pour l’animal. Il faut l’associer à la récompense… Click => bonbon, le son doit être immédiatement (je veux dire vraiment immédiatement) suivi de la récompense. Il faut répéter cela quelques fois avant de pouvoir commencer à travailler avec le clicker. Lorsque l’animal entend le son et cherche déjà la nourriture, c’est que l’association click/nourriture est bien intégrée. Le travail peut alors commencer.

Le premier exercice à faire avec votre cheval dès que l’association clicker/nourriture est faite, c’est de lui apprendre que le nez dans la pochette à bonbon ne lui offrira jamais de nourriture. La plupart des gens auront tendance à physiquement pousser le cheval de la pochette, mais en fait, il faut simplement attendre en plaçant le bras sur l’ouverture (cela l’empêchera d’accéder à la nourriture). Le cheval va probablement travailler très fort pour pousser votre bras et avoir accès à la nourriture. Soyez patient. À un moment, un bruit ou un mouvement attirera son attention et votre cheval va déplacer sa tête de votre espace. C’est exactement à ce moment que vous clickez et récompensez. Il va alors remettre son nez dans la pochette, et le processus recommence. En peu de temps, votre cheval comprendra qu’avoir sa tête loin de la pochette est ce qui lui apportera la nourriture. Croyez-moi ça fonctionne !!

C’est tricher, le cheval ne le fait pas pour nous faire plaisir Faux, désoler de ruiner votre vie, mais votre cheval ne fait rien pour « vous faire plaisir », il le fait plutôt pour éviter et se soustraire à la pression que vous lui infligez (R-), aussi légère soit-elle. Alors pourquoi ne pas lui procurer du plaisir à lui aussi! Soyons sincère, la plupart du temps, votre cheval serait beaucoup plus heureux de rester au pré avec ses potes que de travailler… intégrer une forme de récompense pour lui dans le travail est un excellent moyen de le motiver à offrir plus, car il reçoit en retour. De plus, il trouvera lui aussi son compte dans le travail. Normalement nous sommes ceux qui prennent le plus de plaisir dans l’histoire et je trouve important que le cheval y trouve son compte aussi !

Ce que je fais fonctionne, pourquoi changer ? Par simple éthique => les techniques actuelles utilisent la pression comme motivation et le retrait de la pression comme « récompense ». Un stimulus aversif, parfois TRÈS aversif est utilisé afin que le cheval veuille s’y soustraire et fasse donc ce que l’on veut. Expliqué de la sorte c’est franchement moins sympa… J’en entends déjà dire « oui, mais moi je ne frappe pas mes chevaux et je les respecte ». Peut-être, mais vous tirez dans sa bouche pour le stopper, et vous utilisez vos jambes pour le faire avancer. Bien qu’il est plutôt impossible de travailler les chevaux sans R-, car même les plus légères demandes du mors ou des jambes restent tout de même des pressions, il est possible de rendre les choses plus agréables et moins aversives. Pourquoi ne pas lui proposer des choix et lui indiquer que le bon choix lui apporte de la nourriture, du repos ou des gratouilles à des endroits très spécifiques (garrot par exemple). En laissant à l’animal le choix, il comprend qu’il a du contrôle sur son environnement (ce qui peut faire une grande différence avec les chevaux anxieux). Il apprend à réfléchir et résoudre des problèmes et apprend à prendre part à l’entrainement (et souvent avec beaucoup de plaisir). Certains chevaux sont tellement tenus et microdirigés qu’une fois les rênes lâches ils sont totalement perdus et deviennent nerveux, car ils plus personne ne leur dit quoi faire.

Même si quelque chose « fonctionne », ça ne veut pas dire que c’est la meilleure méthode pour y arriver ! L’évolution ne devrait jamais être par besoin, mais plutôt par logique, parce que nous sommes une espèce intelligente qui évolue, tout simplement. Les méthodes actuelles « fonctionnent », mais combien de fois je vois les chevaux se plier aux demandes, mais de façon négative ? Souvent ! Des chevaux avec les oreilles tapées, qui démontrent des signes clairs d’irritations, qui se dérobent au travail, qui sont tendues comme des strings, etc. Ne serait-ce pas mieux de trouver une méthode qui rend tout le monde plus heureux ?

Mise en garde Certaines mises en garde sont importantes pour éviter des problèmes ou des déceptions avec la récompense. Il y a, comme dans toute méthode, des règles importantes à respecter.

Retrait de la récompense : À un moment, il faut retirer la récompense (pour certaines commandes, mais pas forcément pour tout). On ne peut simplement passer de récompense à pas de récompense, cela créerait beaucoup de frustration et pourrait aller même jusqu’à des problèmes d’agression. Il faut faire le tout de façon progressive => on en donne à toutes les bonnes réponses, puis à 1 sur 2, puis à une sur 3, etc. jusqu’à la retirer complètement. Pour certains comportements, comme les tours, je préfère ne jamais entièrement les retirer. Et je vais donc en donner de façon aléatoire pour que le cheval ait toujours envie de performer le tour parce qu’il est possible qu’il rassoie sa récompense.

Récompenser au bon moment et avec la bonne attitude Il est important de récompenser l’animal pour les bons comportements seulement. Il faut récompenser lors des bonnes actions, mais il est important de faire attention à l’attitude du cheval. Si ce dernier à une attitude agressive, on ne doit pas la récompenser. S’il cherche à nous marcher dessus, nous pousser, etc. il est important de lui faire comprendre que cette attitude ne lui apportera rien. Si vous n’êtes pas à l’aise, il est préférable de finir la séance et de recommencer plus tard ou de se diriger vers un endroit plus sécuritaire => par exemple mettre votre cheval dans un box et rester à l’extérieur pour le travailler. Ainsi, vous êtes hors d’atteinte et protégé en cas d’agression.

Toujours finir sur une bonne note ? On a souvent tendance à penser cela, c’est vrai d’une certaine façon, mais il faut faire attention à ce que le cheval nous dit. S’il ne veut vraiment pas performer ce que l’on demande, est-ce vraiment un manque de coopération ? ou se pourrait-il que ce soit nous qui sommes trop exigeants ? Y avez-vous déjà pensé ? peut-être avons-nous demandé trop, trop vite ? Baissez vos exigences afin de finir sur une réelle bonne note et pas sur un abandon du cheval. Parfois ils font ce que l’on ne demande pas par envie, mais par abandon. Ce qui à mon avis n’est pas du tout une bonne façon d’obtenir un résultat.

J’aimerais également préciser que parfois, les choses vont tellement mal qu’il est préférable d’arrêter immédiatement que de continuer dans cette optique. Parfois, tout le monde est dans un mauvais état d’esprit… Vous et votre cheval, dans ce cas, il est préférable de simplement stopper et reprendre un autre jour. Finir sur une bonne note n’est pas toujours ce qu’il faut faire, il faut parfois savoir s’adapter.

Le timming Le plus important est d’avoir le bon timming. Il faut être précis dans les « click » pour récompenser les bons comportements, parfois un petit manque de timming peut carrément nous faire clicker un mauvais comportement et donc récompenser un mauvais comportement. En faisant cela, vous allez donc enseigner des comportements que vous ne désirez pas et vous allez vous demander pourquoi ils sont apparus. Sachez ce que vous désirez enseigner et soyez précis afin d’éviter les mauvaises surprises.

Alors voilà, beaucoup de personnes trouvent la récompense presque démoniaque ! Et pourtant, c’est un outil exceptionnel qui permet des progressions rapides et importantes. C’est également une excellente motivation pour le cheval qui peut lui aussi trouver quelque chose de très plaisant dans le travail. Bien que l’usage de la récompense peut en effet causer quelques problèmes, il est facile de les prévenir grâce à des bases très simples à instaurer. Comme toute technique, il est important de ne pas en faire usage de n’importe quelle façon et commencer son usage sans réellement savoir ce que l’on fait peut être problématique, mais c’est le cas de toutes techniques de travail. Pour ma part, c’est simplement une question « d’éthique », j’aime que ma jument soit récompensée pour ses efforts et elle me rend cette attention en m’offrant plus. Elle semble également beaucoup plus motivée dans le travail, elle semble plus heureuse et plus enjouée. Comme si elle avait hâte de bien faire la prochaine demande, car elle sait qu’elle aura de la nourriture. De plus, avec des chevaux plutôt nerveux, cela fait une très grande différence. Comme le clicker est très précis et est clicker au moment exact où la bonne réponse est effectuée, le cheval comprend avec précision ce qui est attendu de lui. Ce qui a pour effet de calmer les chevaux plus nerveux. Comme ils comprennent rapidement et bien ce qu’ils doivent faire, ils sont bien plus détendus.

PS: Si un cheval refuse de manger ou prend la nourriture sans la mâcher (il ne fait que la stocker dans sa bouche), cela indique que l’animal est dans un grand état de stress. Il sera donc important de diminuer nos attentes et de retirer l’animal de cette situation de stress. Un animal dans cet état de stress ne pourra pas réfléchir (son système est en mode réaction et non pas en mode réflexion), il ne pourra donc rien apprendre de toute façon.

Le danger de la dominance

La dominance chez les animaux est un terme très répandu et très ancré dans la population. Ce terme est utilisé avec à peu près toutes les espèces animales et fait partie de plusieurs méthodes d’entrainement encore bien répandues aujourd’hui. Qui n’a pas déjà entendu quelqu’un dire de son chien qu’il est dominant ou dire que son cheval est dominant avec les autres? Même chez le chat, certains parlent de dominant dans la maisonnée. Mais en fait, connait-on vraiment la signification du terme dominance? Est-ce vraiment un bon terme à employer? Et puis, est-ce vraiment utile et éthique d’utiliser des techniques de dominance avec nos animaux? Parlons-en!

Commençons par se demander, qu’est-ce que la dominance exactement? Un animal agressif avec les humains? Avec les autres animaux? Les deux? Un animal qui présente certaines postures hautes (queue relevée et poitrail bombé pour un chien par exemple)? Un animal qui refuse de « partager » ses jouets ou sa nourriture? La définition est large et semble englober beaucoup de mauvais comportement que nous n’aimons simplement pas, mais qu’en est-il vraiment? Tout d’abord, d’où vient vraiment le terme de la dominance?

Chez le chien, il vient d’observation de loups en captivité. Dans ces observations, un animal dominant (ou alpha) prenait le contrôle du groupe et accédait à la nourriture et aux autres privilèges avant tous les autres. Il prenait également l’avantage physique sur les autres, par la force. Les animaux dominés (soumis) eux se soumettaient à l’alpha reconnaissant sa dominance. Nous nous sommes donc fiés à cela pour dresser nos chiens, puisque ces derniers descendent du loup. Mais récemment, nous avons appris que nous avions tout faux, sur plus d’un sujet en fait.

1- Les chiens ne descendent pas directement du loup, ils ont plutôt un ancêtre commun, mais se sont séparés en 2 branches parfaitement distinctes. Se fier aux comportements et à l’alimentation du loup pour les transposer à nos chiens n’est en fait peut-être pas l’idée parfaite finalement. En effet, le loup et le chien sont très différents morphologiquement et leur alimentation n’est pas la même : le chien est un vidangeur coprophage et le loup est un carnivore… Pas tout à fait pareil! Il est également important de souligner que les chiens possèdent l’enzyme pour digérer l’amidon, contrairement au loup!

2- La dominance qui avait été étudiée chez le loup en captivité, est en fait un fruit de la captivité et ne fait pas partie de l’éthogramme naturel du loup (oups!). Lorsque des éthologues ont étudié des loups dans la nature, ils ont pu observer qu’ils avaient tout faux. Le couple « dominant » est naturellement dans cette position, car c’est le couple reproducteur. Ce sont eux qui sont responsables des autres! Lorsque des loups reviennent de chasser, ce sont les ainés et les plus jeunes qui mangent en premier, pas les « dominants ». Quand on tue un bison, aucun risque de manquer de viande! Ce n’est pas du tout une dynamique de force et de combat, mais plutôt une dynamique de famille et d’entraide. Ce qui se passe en captivité, c’est que ce ne sont pas toujours des familles propres, mais plutôt des familles recomposées. Les zoos font régulièrement des échanges pour garder des génétiques saines chez leur population, mais cela fait aussi que les groupes se font de façon imposée. Chez les baleines, les familles restent ensemble toutes leur vie et chaque famille à son propre « langage ». Lorsqu’on reconstitue une famille en captivité, il arrive souvent qu’il y ait beaucoup d’agression, car les animaux ne se comprennent pas bien, ils ne parlent pas tous le même « langage »… Serait-ce similaire chez les loups? Pourquoi pas ?

Chez les chevaux, il vient d’observation d’espèces sauvages comme les mustangs, les zèbres, etc. Les observations sont ensuite analysées avec notre esprit d’humain. Il y a quelques points qu’il est important de définir.

1- Les troupeaux de chevaux sauvages sont assez stables et ne subissent pas énormément de changement. Ce qui est tout le contraire de nos groupes de chevaux domestiques qui sont souvent reconstitués, faisant face à de nombreux départs et arrivées.

2- La dynamique de dominance chez les chevaux n’est pas aussi établie qu’on ne le croyait avant. En effet, ce n’est pas toujours une pyramide avec un chef et des subordonnés. C’est une plutôt une dynamique entre les chevaux qui sont les plus motivés pour accéder aux ressources et ceux qui le sont moins.

3- Penser que celui qui accède le premier aux ressources dans la nature est celui qui est le plus « chanceux » est erroné! En fait, pensez-y, le premier à arriver au point d’eau est celui qui risque de se faire attaquer par un crocodile. Il a donc plutôt un devoir envers le groupe. D’ailleurs, les chevaux dits « dominants » sont souvent ceux qui portent plus de responsabilités, car ils sont responsables du groupe et donc ils vivent plus de stress que les autres. Ce n’est pas particulièrement un poste prestigieux.

4- Dans la nature, les ressources des chevaux ne sont pas particulièrement difficiles à trouver. De l’herbe, il y en a pour tout le monde dans une plaine, les chevaux n’ont pas à se battre pour y accéder, il y a de la place et de la ressource, même chose pour un point d’eau. La plupart des combats se font entre un étalon et un autre qui aimerait « voler » l’accouplement avec ses juments. En milieu domestique par contre, les ressources sont plus restreintes en termes d’accès : les points d’eau sont plus petits et les zones de nutrition sont condensées en de petits endroits! Les ressources sont souvent illimitées, mais très condensées en termes d’espace, ce qui peut parfois engendrer des altercations. Ce sont les individus plus motivés pour les ressources qui seront plus motivés à se chamailler… tout simplement.

Et chez le chat alors? Les observations sont plus difficiles dans la nature comme la plupart des espèces félines sont plutôt solitaires et se rencontrent souvent que pour l’accouplement. Mais nous, nous hébergeons plusieurs chats ensemble et on se dit alors que celui qui tape le plus sur les autres est le plus dominant. Mais la simple dominance est-elle vraiment la réponse à ces agressions?

1- Il existe des groupes de chats « sauvages ». Ici on parle de chats domestiques, mais qui vivent presque à l’état sauvage dans des fermes ou dans la rue. Ces groupes sont presque toujours composés de membre de la même famille. Ces groupes vivent en harmonie, se partagent les ressources et même des responsabilités. Il arrive par exemple qu’une mère ayant une grosse portée de chatons soit épaulée par une fille plus âgée ou une sœur qui entrera en lactation pour l’aider à nourrir la portée. Fascinant non? Ce groupe de chat n’accepterait pas un chat inconnu dans le groupe et le chasserait comme un chat solitaire ferait. Serait-ce comme les baleines? Chaque famille a son propre langage? Serait-ce une des raisons pour laquelle dans les groupes recomposés de nos maisonnées il n’y a pas toujours bonne entente? Les chats ont du mal à communiqué et ne sont pas de la même famille?

2- Territoire limité : Dans la nature, les chats peuvent s’éviter plus facilement. Ils sont en mesure de prendre connaissance des marquages laissés par les autres chats et d’éviter les zones où il pourrait en rencontrer un. Si une rencontre se produit, l’espace de fuite est plus grand.

3- Ressources limitées : Dans la maison, les ressources (nourriture, eau et litières) sont limitées à quelques espaces ce qui force les chats à se rencontrer, ce qui peut parfois causer des altercations.

Plusieurs comportements sont souvent confondus pour de la dominance alors que la source en est tout autre.

– Protection de ressource : Un animal qui protège ses ressources, que ce soit ses jouets, sa nourriture ou ses humains même, n’est pas dominant, il protège simplement ses possessions de la compétition! Il ne veut pas être « supérieur » il a surtout peur de se les faire enlever.

– Besoin d’espace : un chien, un chat ou même un cheval qui protège son espace avec des moyens « agressifs » sera souvent décrit comme dominant, alors que le but n’est pas de dominer, mais simplement d’avoir « la paix ». Les animaux ont aussi besoin qu’on respecte leur espace, ce ne sont pas des peluches. Parfois, les animaux domestiques sont confinés dans de trop petits espaces pour le nombre, ce qui peut augmenter les risques d’agression pour défendre son espace personnel.

– Motivation d’accès aux ressources : Chez les chevaux, ceux qui sont dits dominants sont souvent simplement plus motiver à avoir accès à la nourriture ou l’eau par exemple.

– Excitation : Certains chiens excités, qui ont du mal à gérer leurs émotions et leur énergie sont souvent pris pour des animaux dominant alors qu’ils ont simplement du mal à se contenir en fait. Il saute, jappe, vous pousse, etc.

– Race : Avoir la queue en position élevée a souvent été identifié comme le signe d’un chien dominant… Pourtant, certaines races ont simplement un port de queue relevé naturel dès qu’ils marchent ou dès qu’ils sont un peu stimulés. Les terriers par exemple tiennent souvent leur queue bien droite lorsqu’ils sont actifs. Les huskies ont naturellement une queue recourbée sur le dos. Cela n’en fait pas des chiens dominants, ce sont simplement des caractéristiques morphologiques.

– Peur/stress : Certains animaux qui ont peur d’un individu, qu’il soit de sa propre espèce ou pas, peuvent attaquer ou faire des menaces importantes afin de faire reculer l’objet de sa peur. L’animal ne veut pas dominer, il prend les devants et fonce pour essayer de faire fuir la chose dont il a tant peur.

– Animal régulateur : Chez plusieurs espèces, un animal qu’on pense « dominant » n’est en fait qu’un régulateur ou agent de la paix. Cet animal ira souvent séparer des animaux qui se bagarrent ou chassera un animal qui n’agit pas bien le temps qu’il se calme. Encore une fois, le but n’est pas d’être l’ultime chef de la fratrie, mais bien de réduire les agressions et les conflits au sein du groupe. La motivation est bien différente.

Bref, il y a beaucoup d’explication aux multiples comportements que les gens utilisent pour décrire la dominance. Il y en a probablement même plus que ceux que j’ai nommés ici.

Mais pourquoi est-il si important de remettre les pendules à l’heure au sujet de la dominance? Parce que cette étiquette est dangereuse… en effet, mettre cette étiquette sur un animal permet souvent de justifier d’utiliser des techniques aversives, voire même agressives envers cet animal. De plus, on justifie souvent l’usage de ces méthodes en disant que « dans la nature c’est comme ça, le dominant corrige les autres » alors que nous savons maintenant que le « dominant » en nature n’est pratiquement jamais agressif et que les groupes sont beaucoup plus des groupes affiliatif et sociaux que des groupes où règne la dominance et la tyrannie. La dominance est beaucoup trop utilisée pour justifier des usages abusifs de force envers les animaux et pour étiqueter un animal. Tous les animaux sont des individus complexes qui ne peuvent être décrits en un seul mot… les catégoriser ne les aide pas et leur nuit plus qu’autre chose. Un animal qui réagit de telle ou telle façon dans telle situation n’aura pas la même réaction dans une autre situation… Alors que si on le catégorise on le traitera toujours comme un animal dominant qui doit apprendre où est sa place, même si dans une autre situation il peut être nerveux ou même anxieux et que le traiter avec force ne fera que le rendre encore plus nerveux et pourra le mener à agresser encore plus. De plus, en ne faisant que mettre l’étiquette dominant sur cet animal, on ne traite pas la vraie cause du problème, on ne la cherche même pas. « Il est dominant » « mord lui une oreille, il va arrêter»… Je doute que de faire cela avec un animal dont le fond de la cause de sa réactivité envers l’homme est en fait sa peur de l’homme va vraiment l’aider, qu’en pensez-vous? Voilà pourquoi il est important de remettre les pendules à l’heure, ce terme est trop utilisé pour justifier des techniques de travail non éthique et il est temps de jeter à la poubelle ces vieux termes dépassés et d’entrainer nos animaux avec des techniques de travail éthique et réfléchie.